Bruxelles : Complexe souterrain sous la place Louise
Bruxelles : Complexe
souterrain sous la place Louise
Début 2016, le tunnel Stéphanie à Bruxelles défiait
l’actualité de par sa fermeture suite à des fissures constatées.
L’occasion de ressortir les archives de sa construction.
Le complexe Louise fait partie d’un ensemble de tunnels
métro/routiers en dessous des place Stéphanie et Louise.
1956 : Tunnels routiers
Lors de la première phase inaugurée pour l’exposition 58’,
les deux tunnels routiers une boucle de raccordement ont été réalisés.
Il se compose d’un tunnel en béton armé sous les boulevards
de la Petite ceinture qui ne présente guère de difficultés techniques et d’un
tunnel dans l’axe du goulet Louise beaucoup plus compliquée.
En effet, la réalisation de cette section a commencé par le
terrassement de ce qui devait être deux galeries directement sous les
trottoirs, mais qui, suite à un accident lié au gaz, est devenu des fouilles à
ciel ouvert recouvertes d’un plancher en journée.
À partir de ces fouilles, le rempiétement des façades a été
exécuté, ainsi que les murs latéraux du futur tunnel. La méthode d’exécution
était fort similaire à celle des fouilles blindées, mais les étançons
maintenant en acier et les prédalles maintenant en béton étaient entièrement en
bois, ce qui exigeait un bétonnage par couche de 30 cm afin de permettre
le retrait des boisages. Le béton était produit dans deux centrales à béton
installées l’une sur la place Stéphanie, l’autre place Louise.
Ensuite, une galerie est creusée dans ce qui sera le faîte
du tunnel au départ de quatre puits d’accès. Et, enfin, des galeries
transversales afin de permettre le bétonnage de la voûte par tranche de 2 ou 3 m
de long.
L’évacuation du stross et la réalisation de la contre-voûte
ne présentaient plus de difficultés particulières.
1959: Liaison Petite ceinture vers Bois
Lors de la construction des immeubles du ministère de la
Justice, une liaison entre le tunnel sous la Petite ceinture et le tunnel
Stéphanie a été réalisée sous les immeubles.
1980 : Station de métro Louise à Bruxelles
Au début des années 1980 que la STIB a débuté
la construction de la station de métro Place Louise afin de prolonger l’axe
Petite ceinture jusqu’à proximité de l’actuelle station Hôtel des Monnaies.
Cela permit de désengorger la place Louise et d’exploiter l’axe Petite ceinture
entre la place Rogier et la place Louise en pré-métro à partir de 1985. Cette
situation a perduré jusqu’à la mise en service de la ligne 2 du métro en 1988.
Mais la volonté de l’époque était aussi
d’avoir la ligne de métro n° 4 qui prendrait son origine soit de
Botanique, soit de Parc pour se rendre jusqu’à Ixelles. Aussi, la station Place
Louise devait comprendre deux niveaux, l’un pour l’axe Petite ceinture, l’autre
pour l’axe communément appelé « Poelaert – Bois ». La première partie
de cette ligne devait comporter deux stations : Place Louise et Stéphanie.
Une trémie à la place Poelaert, l’autre dans l’avenue Louise devaient permettre
leurs exploitations en pré-métro.
Cette réalisation était complexe étant donné
la présence d’une importante circulation en surface, de nombreux impétrants
ainsi que la présence des deux tunnels routiers et leurs boucles de
raccordement. De plus, cette partie du haut de la ville comporte de nombreux
commerces haut de gamme pas toujours compatibles avec de gros travaux
d’infrastructure.
Le bureau Lipski
a été désigné bureau d’études pour l’ensemble du projet, à l’exception des
ouvrages à proximité de la rue Hôtel des Monnaies confiés au bureau Tractionel. Le contrôle a été confié au
bureau SECO.
C’est l’entreprise EGTA Contractors qui a
réalisé les travaux avec comme sous-traitants principaux : FORAKI ,SMET, HOCTIEF,
CONTRACTORS, DE MEUTER, BOUCHER
Réalisation du tunnel côté Porte de Namur
Cette section a été réalisée à l’aide de tubes
foncés dans le sol depuis deux puits de fonçage. Sept tuyaux ont été foncés afin
de réaliser la toiture. Ensuite, depuis les tuyaux exterieurs, les murs
latéraux ont été réalisés en de la fouille blindée.
Une particularité a été la mobilisation
simultanée de plusieurs pompes à béton (jusqu’à sept).
Réalisation de la station Louise elle-même
La station comporte trois niveaux souterrains.
À noter que ce niveau -3 n’a jamais été mis en service et est pour le moment
inoccupé.
La difficulté majeure consistait à intégrer
la station autour des deux tunnels routiers existants. En effet, la toiture en
voûte du tunnel routier Stéphanie débordait dans le gabarit du niveau -2.
Le tout avec des fermetures des tunnels
routiers uniquement autorisées entre 22 heures et 6 heures ainsi que
les week-ends !
L’autre grosse difficulté fut le passage sous
le tunnel routier de la Petite ceinture. À l’époque, le radier de celui-ci
avait été bétonné à même le sol et il n’était donc pas possible de terrasser
par-dessous sans risque d’effondrement.
Des fouilles blindées le long des parois existantes
du tunnel ont été réalisées de part et d’autre. Au départ de celles-ci, des
galeries sous le radier du tunnel routier ont été exécutées à intervalles
réguliers. Les galeries centrales ont permis de bétonner des poutres qui font
office de suspente pour le radier existant. Les galeries extérieures ont permis
la création d’autres fouilles qui, une fois bétonnées, sont devenues les murs
de la station sous le tunnel routier. Ceux-ci permettent en outre de reporter
la charge du tunnel routier sous les ouvrages métro.
Réalisation du tunnel côté Porte de Hal
Les parois latérales du tunnel ont été réalisées
au moyen de murs emboués et demi-dalle de toiture. Une fois la structure
extérieure terminée, le stross fut dégagé et le radier coulé en place.
Réalisation du tunnel sous le goulet Louise
Il a été décidé de construire le tunnel métro sous les
immeubles du goulet Louise.
Afin d’éviter les tassements de sol, il fut décidé de
procéder à la congélation du sol entre le futur tunnel et les fondations des
immeubles.
Après congélation, deux galeries furent réalisées. Au départ
de celles-ci, des fouilles blindées ont permis d’atteindre le niveau inférieur
du radier. Des galeries transversales ont ensuite permis la réalisation de
« cadres ». Une fois ceux-ci réalisés et toujours à l’abri de la
calotte de glace, le terrassement du stross et le bétonnage du tunnel entre les
« cadres » ont été réalisés de façon traditionnelle. À noter
l’utilisation de nombreux vérins afin de mettre l’ouvrage en charge afin de
réduire au maximum les tassements.
Conclusion
D’aucuns diront bien entendu que c’est une belle
réalisation, mais qu’elle ne sert à rien ou presque. Que cette époque du tout
au béton a nui gravement à Bruxelles et que nous en subissons maintenant les
conséquences avec l’héritage de ce patrimoine à entretenir et la dette de sa
réalisation à rembourser. C’est probablement jeter le bébé avec l’eau du bain.
En effet, c’est plutôt clairvoyant qu’au milieu des années soixante, quand la
planification du métro a été réalisée, on avait anticipé les problèmes de
congestion qu’allait poser l’automobile, et la nécessité de développer un
réseau métro digne de ce nom. À l’heure où il est de plus en plus question de
limiter l’accès aux voitures dans le centre-ville, la ligne 4 a de plus en plus
de sens.
Cette réalisation, comme bien d’autres à l’époque, a aussi
permis à nos entreprises d’acquérir un savoir-faire internationalement reconnu.
D’autant que le chantier de la place Louise n’était pas le seul. Au même
moment, à des avancements différents, le génie civil des stations Houba-Brugmann,
Stuyvenbergh, Hôtel des Monnaies, Yser, Sainctelette, Gare du Midi, Porte de
Hal et Horta était en cours !
Ce chantier est à l’image d’une époque où l’innovation
n’inquiétait pas les différents intervenants, qu’ils soient maîtres d’ouvrage
ou maîtres d’œuvre, décideurs ou financiers.
Romuald Servaye
Bibliographie :
La technique des travaux de janvier/février 1959.
Excavator janvier 1984
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